Lutte contre l'exploitation et les atteintes sexuelles

S’attaquer aux lacunes et s’engager au changement

Lorsque le personnel de l’Organisation des Nations Unies commet des actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles contre les personnes mêmes qui se tournent vers elle pour obtenir protection et assistance, la confiance entre l’ONU et ses bénéficiaires s’en trouve entamée. À cause des actions terribles de quelques-uns, les valeurs et les principes de l’ONU sont trahis et la crédibilité des opérations de maintien de la paix de l’ONU et de l’ensemble de l’Organisation est mise à mal.

Au fil des années, l’ONU a été confrontée à la question des actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles commis par le personnel de ses missions à travers le monde. En avril 2003, l’Assemblée générale a adopté une résolution (A/RES/57/306) dans laquelle elle demandait au Secrétaire général d’adopter des mesures de prévention contre l’exploitation et les atteintes sexuelles dans les opérations humanitaires et de maintien de la paix et de réagir promptement lorsque des allégations sont portées. L’interdiction de l’exploitation sexuelle a été soulignée plus tard cette année dans la circulaire du Secrétaire général relative aux dispositions visant à prévenir l'exploitation et les abus sexuels (SG/SGB/2003/13).

En mars 2005, le rapport Zeid, une stratégie globale visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU, a été publié. Il proposait un ensemble de recommandations de réformes globales et novatrices à mettre en œuvre aussi bien au Secrétariat que dans les États Membres. Bien qu’axé sur l’exploitation et les atteintes sexuelles, ce rapport a également identifié des problèmes relatifs à une série de manquements, qui ont mis en lumière un manque de sensibilisation aux normes de conduite de l’ONU, le manque de clarté des procédures de plainte, le caractère incomplet des données relatives aux manquements et une capacité insuffisante à mener des enquêtes dans les missions de maintien de la paix. L’une des premières mesures correctives a été la création au Siège du Groupe déontologie et discipline et la création d’équipes déontologie et discipline dans les missions en novembre 2005.
 

Doter l’Organisation d’une capacité de prévention et de riposte

Pendant les années qui ont suivi le rapport Zeid, l’ONU a opéré des changements structurels et pris des mesures et initiatives visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles, à améliorer la réaction de l’Organisation aux allégations, et à s’assurer que les victimes d’exploitation et d’atteintes sexuelles bénéficient d’une aide et d’un soutien en temps voulu. 

En 2014, le rapport du Secrétaire général destiné à l’Assemblée générale et relatif aux dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles (A/69/779) a présenté un large éventail d’initiatives telles que la multiplication des formations et des vérifications des antécédents du personnel pendant leur service dans le cadre d’une opération de l’ONU, la création de nouveaux outils permettant de renforcer la responsabilisation, et la mise en place de mécanismes plus pratiques d’aide aux victimes. Des propositions et initiatives supplémentaires ont été mises en avant dans le rapport de 2015 destiné à l’Assemblée générale (A/70/729). L’emphase a été mise sur l’aide aux victimes, une transparence accrue et la nécessité pour les États Membres d’être des partenaires efficaces dans la responsabilisation financière, administrative et pénale des auteurs d’actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles. Pour la première fois, le rapport a fait état des informations sur la nationalité du personnel militaire et de police impliqué dans des allégations crédibles d’exploitation et d’atteintes sexuelles.
 

Une réponse systémique à l’exploitation et aux atteintes sexuelles

En 2015, le monde a été frappé d’indignation en apprenant les allégations de violences sexuelles commises par des forces non-onusiennes et étrangères en service en République centrafricaine. Par conséquent, le Secrétaire général a nommé un groupe indépendant chargé d’examiner la réaction de l’ONU face à ces allégations. Dans son rapport, le groupe a recommandé des réformes visant à prévenir d’autres incidents d’exploitation et d’atteintes sexuelles et à améliorer les moyens d’action de l’ONU face aux allégations reçues. 

En février 2016, le Secrétaire général a nommé le Coordonnateur spécial chargé d'améliorer les moyens d'action de l’Organisation des Nations Unies face à l’exploitation et aux atteintes sexuelles, en lui donnant pour mission d’organiser, d’unifier et de hiérarchiser les mesures de prévention et de riposte adoptées dans l’ensemble du système des Nations Unies. Des efforts sont entrepris pour garantir la cohésion et l’harmonisation entre les organismes de l’ONU et pour exploiter le travail réalisé jusqu’à présent, les défaillances sont en train d’être corrigées par l’adoption de mesures solides et nouvelles visant à mettre en œuvre la politique de tolérance zéro du Secrétaire général.

L’ONU reste déterminée à assurer l’adoption de mesures encore plus efficaces visant à prévenir et lutter contre la trahison profonde que représentent ces actes commis par son personnel à l’égard des personnes qu’il est chargé de protéger. L’Organisation des Nations Unies a mis au point une stratégie à trois volets pour lutter contre les fautes professionnelles ; ces volets sont : les mesures préventives, l’application des normes de conduite de l’ONU et les mesures correctives. Des mesures sont prises dans chacun de ces domaines pour lutter contre tous les types de fautes, mais un accent particulier est mis sur la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles. 

 

Prévention, riposte, mesures correctives

La prévention est au cœur de la stratégie de l’ONU visant à lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles. La prévention doit être menée de façon dynamique et globale et faire l’objet d’un partenariat entre l’ONU et ses États Membres. Tout le personnel de l’ONU reçoit une formation sur les normes de conduite de l’ONU avant et après le déploiement. En outre, en 2016, l’Organisation a lancé un programme de formation obligatoire en ligne sur la prévention de l’exploitation et des atteintes sexuelles. Les missions informent les populations hôtes des types de comportement jugés acceptables par le personnel de l’ONU et leur indiquent comment signaler des infractions par le biais des mécanismes existants. Des mécanismes de dépôt des plaintes ont été mis en place au niveau communautaire et les liaisons communautaires ont été identifiées comme des canaux fiables permettant de signaler des fautes commises par le personnel de l’ONU. Tous les membres du personnel font l’objet d’une vérification des antécédents relative à leur service dans le cadre d’une opération de l’ONU, tandis que les missions effectuent régulièrement des visites d’évaluation des risques dans la zone de mission et adoptent des mesures d’atténuation des risques, en mettant particulièrement l’accent sur les risques liés à l’exploitation et aux atteintes sexuelles.

Les missions ont mis en place des équipes spéciales permanentes sur l’exploitation et les atteintes sexuelles, et désigné des interlocuteurs en matière d'exploitation et d’atteintes sexuelles chargés de fournir des directives et de veiller à l’application et au respect de la politique de tolérance zéro. Le Secrétaire général, en collaboration avec les États Membres, continue d'œuvrer à améliorer la rapidité et la qualité des enquêtes. Un délai de six mois a été fixé aux organes d’enquête de l’ONU pour conclure les enquêtes, et il a été demandé aux États Membres d’adopter le même délai comme norme dans la réalisation des enquêtes. Dans des circonstances nécessitant un traitement plus urgent, l’ONU a indiqué qu’elle se fixerait comme objectif de conclure les enquêtes pour exploitation et atteintes sexuelles dans un délai de trois mois et a demandé aux États Membres d’en faire de même dans les cas indiqués.

Une réaction rapide à la réception d’un rapport pour exploitation et atteintes sexuelles crée les meilleures conditions d’enquête. Par conséquent, des équipes d'intervention immédiate ont été mises en place dans les missions de maintien de la paix pour rassembler et conserver les preuves en attendant l’ouverture d’une enquête. Un programme de formation de ces équipes a été élaboré et exécuté en phases pilotes en 2016, les premières sessions de formation ayant eu lieu dans des missions en République centrafricaine et en Haïti.

En 2007, l’Assemblée générale a adopté la Stratégie globale d’aide et de soutien aux victimes d’actes d’exploitation ou d’agressions sexuelles commis par des membres du personnel des Nations Unies ou du personnel apparenté. Cette stratégie globale traite de la fourniture d’une aide et d’un soutien aux plaignants, aux victimes et enfants nés de ces exploitations et atteintes sexuelles, prévue dans le cadre de la collaboration entre les organismes de l’ONU. Les plaignants et victimes bénéficient d’une aide et d’un soutien, notamment de soins médicaux, d’un soutien psychologique, d’une aide juridique, d’une aide matérielle immédiate telle que la nourriture, les vêtements et un hébergement sûr, fournis par des prestataires de service locaux. Les équipes déontologie et discipline ont entrepris de répertorier les services et l’aide disponibles pour les victimes d’exploitation et d’atteintes sexuelles. Dans plusieurs cas, cette initiative a été menée en consultation avec d’autres partenaires de l’ONU et d’ONG internationales et locales. L’aide et le soutien sont accordés même avant la fin de l’enquête relative aux allégations portées. Lorsqu’un enfant est né d’un acte d’exploitation et d’atteinte sexuelle commis par un membre du personnel de l’ONU ou du personnel apparenté, l’ONU s’efforce de faciliter les demandes en reconnaissance de paternité et le versement d’une pension alimentaire à l’enfant. Un protocole d’aide aux victimes est en cours d’élaboration, indiquant les rôles et responsabilités des acteurs clés qui doivent intervenir pour que les cas soient convenablement orientés vers les entités adéquates, que les services appropriés soient fournis et qu’un suivi efficace de la qualité des services fournis soit assuré.

En mars 2016, le Secrétaire général a mis en place le Fonds d'affectation spéciale en faveur des victimes d'exploitation et d'atteintes sexuelles. Il vise entre autres à mener des activités de sensibilisation communautaire et à combler les lacunes en matière de service dans la fourniture d’une aide et d’un appui aux plaignants, victimes et enfants nés d’actes d’exploitation ou d’atteintes sexuelles. Il ne sert pas à indemniser les plaignants ou les victimes d’exploitation et d’atteintes sexuelles. Le Secrétaire général a invité tous les États Membres à contribuer au Fonds d’affectation spéciale pour démontrer leur volonté commune de fournir une aide significative aux victimes du personnel de l’ONU.

 

Une responsabilité collective de rendre des comptes

L’ONU et ses États Membres sont déterminés à prendre des mesures décisives pour préserver les valeurs universelles et assurer la protection des civils, le respect de la dignité des victimes et veiller à ce que les auteurs rendent compte en cas de violation de ces valeurs. La transparence et l’obligation de rendre compte sont des moyens décisifs par le biais desquels l’ONU et ses États Membres démontrent leur attachement à la politique de tolérance zéro du Secrétaire général, conservent la confiance de la communauté internationale et font justice aux victimes. L’obligation de rendre compte est une responsabilité partagée qui nécessite l’action de tous, y compris des États Membres. Les sanctions imposées suite à des allégations corroborées d’exploitation et d’atteintes sexuelles doivent être proportionnelles à la gravité de l’infraction, en particulier lorsque celle-ci peut équivaloir à un comportement criminel. Aucun personnel commettant un acte d’exploitation et d’atteinte sexuelle pendant son service à l’ONU ne doit rester impuni.

Une Politique de responsabilisation en matière de déontologie et de discipline dans les missions a été publiée en 2015. Cette politique, qui s’applique au Département des opérations de maintien de la paix, au Département de l’appui aux missions et au Département des affaires politiques présente les rôles et responsabilités du personnel des missions et du Siège en matière de lutte contre les fautes professionnelles et indique comment responsabiliser le personnel lorsqu’il refuse d’observer les normes de conduite de l’ONU. Elle souligne également les responsabilités des chefs, des cadres supérieurs et des commandants des missions à cet égard.

En mars 2016, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2272 (2016) relative aux actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles commis par les soldats de la paix déployés en vertu des mandats du Conseil de sécurité. Les dispositions de la résolution 2272 portaient essentiellement sur le personnel militaire et les membres des unités de police constituées servant dans les missions de maintien de la paix, et sur la responsabilité des pays qui fournissent des contingents et des forces de police d’enquêter sur les allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles et de tenir leur personnel responsable. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité a demandé au Secrétaire général de rapatrier une unité militaire ou une unité de police constituée d’un contingent lorsqu’il existe des preuves crédibles de cas répandus ou systématiques d’exploitation et d’atteintes sexuelles commises par cette unité. Il y a également été demandé au Secrétaire général de remplacer toutes les unités militaires ou unités de police constituées du pays concerné lorsqu’un pays fournisseur de contingents dont le personnel est visé par une ou des allégations d’actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles n’a pas pris les mesures voulues pour enquêter sur ces allégations, ou lorsqu’un pays fournisseur de contingents ou de personnel de police n’a pas amené les auteurs de ces actes à en répondre ou informé le Secrétaire général des progrès des investigations ou des mesures prises.

Comme autre mesure visant à renforcer la transparence et l’obligation de rendre compte, le rapport 2015 du Secrétaire général sur les dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles (A/7/729) a pour la première fois fait état des informations spécifiques aux pays relatives aux allégations impliquant du personnel en uniforme. Le Secrétaire général a souligné que le fait pour un État Membre de prendre des mesures décisives contre les auteurs d’exploitation et d’atteintes sexuelles devrait être considéré comme un honneur. Il est encourageant de constater que des pratiques exemplaires commencent à émerger parmi les États Membres, allant du renforcement de la formation préalable au déploiement, de la réalisation d’enquêtes efficaces et approfondies et de la communication de rapports en temps voulu, de l’organisation de cours martiales sur place et de l’imposition de sanctions strictes aux auteurs, à la désignation de personnes à contacter au sein de l’appareil judiciaire de chaque pays pour faciliter les demandes en reconnaissance de paternité.

L’ONU demeure résolue à travailler en partenariat avec les États Membres pour s’assurer que son personnel, qu’il soit civil, militaire ou de police, soit tenu responsable des actes qu’il pose pendant son service à l’Organisation. 

Pour en savoir plus, consulter plus attentivement le chronogramme des mesures et initiatives prises au fil des années dans le domaine de la déontologie et de la discipline, en particulier de l’exploitation et des atteintes sexuelles.